En cette rentrée 2009, la conjoncture fait ressortir les enjeux du temps, avec une netteté telle qu’ils deviennent évidents pour de plus en plus de gens. Sur le front économique, la bonne santé des banques et le redéploiement tous azimuts de la spéculation vont de pair avec la succession des plans sociaux, l’extension du chômage et l’intensification de la souffrance au travail dont la vague de suicides à France Télécom donne une image paroxystique. Sur le front de la crise climatique et des négociations internationales autour d’elle, on est entré dans une phase où la confrontation entre les pays anciennement industrialisés, les pays émergents et les pays les plus pauvres s’exaspère : qui va payer la facture du réchauffement climatique ?

Sur le plan politique, la crise des finances publiques, l’abandon des services publics, de la poste à l’hôpital en passant par l’université, arrivent à un point critique en même temps que la fiscalité est l’objet d’un refus massif, du bouclier fiscal des riches au refus de la taxe carbone des couches moyennes et populaires. Pour celui qui veut bien voir, la situation se clarifie : la décroissance de l’économie mondiale, inévitable en raison des limites physiques atteintes par le développement, se fera-t-elle dans un processus démocratiquement régulé et selon un principe de partage équitable, ou bien selon la logique d’accaparement par les plus puissants ? D’où le souci pour l’Altermondialiste de ce mois-ci d’éclairer, par un jeu de questions-réponses, la notion de décroissance qui, malgré sa popularité croissante, soulève toujours autant d’objections et de critiques.

Mais d’où aussi la volonté d’afficher, par le choix des sujets traités dans le reste du numéro, sa conviction : la préservation écologique de la planète ne peut pas se penser sans la justice sociale, sans la priorité donnée aux plus exposés et aux plus démunis. Ce sont eux qui doivent être notre boussole dans cette navigation par gros temps qui sera le lot du monde dans les années qui viennent. Cet été, les plus démunis ont pris pour nous le visage des familles Roms expulsés et traqués dans nos grandes villes. En prenant leur parti, nous vérifions la pertinence du principe de Henri Laborit, que nous avons choisi de mettre en exergue de notre journal. En apparence, leur cause n’a rien de commun avec celle des paysans luttant pour la maîtrise des semences, à l’honneur également ce mois-ci, et pourtant il s’agit au fond de la même chose : sortir de l'insignifiance ceux qu'un mode d'appropriation arrogant et prédateur a relégué dans les interstices du monde.

Geneviève Decrop.